Un « créateur de monde »
« Mon vœu pour les générations futures, commence Stéphane Hessel, c’est de faire mieux avec les ressources finies de la terre. » Concrètement, ce qu’il propose, c’est d’installer des milliers de petites fermes et de potagers dans toutes les villes… Utopique ? Non ! Aujourd’hui, nous sommes sept milliards d’hommes sur terre et les ressources manquent déjà, constate-t-il. Il n’y a pas d’autre choix possible : les générations futures vont devoir apprendre la « sobriété ». Mais pas seulement ! Il leur faudra aussi inventer un monde nouveau, radicalement différent, « un monde de la solidarité et de l’interdépendance » : le mot est lancé !
« Nous sommes une société mondiale et les problèmes que nous connaissons sont mondiaux. Nous devons donc nous sentir interdépendants et vivre les problèmes en solidarité. Nous avons besoin les uns des autres », explique le diplomate, qui insiste sur une valeur capitale, la générosité : « Ce n’est pas seulement quelque chose de moralement bon, mais c’est aussi quelque chose de psychologiquement utile, car quelqu’un qui fait du bien devient plus fort. »
Un militant pacifiste
Un des premiers motifs d’indignation pour Stéphane Hessel, c’est le contraste entre les pauvres et les riches : « Il est honteux, dit-il, que des gens meurent encore de faim à l’heure actuelle. » Le coupable ? L’économie néo-libérale. Les gouvernements sont opprimés par les forces économiques et financières. Dans un tel contexte, les mouvements de contestation sont « la substance du monde actuel », mais la question cruciale est de savoir si la police va parvenir à réprimer les indignés ou si cette indignation aboutira à un réel changement… En tout cas, ce qui est certain, aux yeux de Stéphane Hessel, c’est que « les cris ne suffisent pas » : « Pour réellement changer les choses, les indignés doivent prendre le chemin des institutions. »
Une question brule les lèvres du journaliste : « Jusqu’où peut aller l’indignation ? Faut-il accepter la violence ? » Non, le nonagénaire réprouve tout acte violent ou terroriste. Et d’ajouter que les gens comme lui sont dangereux, car en appelant à l’indignation, il y a le risque que ça aille trop loin… Son objectif avec Indignez-vous ! n’était pas d’appeler au terrorisme, mais de montrer qu’il existe des valeurs qu’il faut à tout prix défendre. En tête, la dignité de l’être humain : « Il faut s’indigner pour préserver sa dignité. » Dans cet esprit seulement, l’indignation est « constructive et légitime ».
Mais, de tous les motifs d’indignation que nous offre le monde, il ne faut pas conclure que tout va mal. Au contraire, « il y a beaucoup de choses qui vont bien, qui sont porteuses d’espoir… »
Un poète « mystique »
Derrière cet espoir teinté d’idéalisme, on devine que Stéphane Hessel n’est pas seulement un militant politique. Et de fait, il nous le confesse : il est aussi poète… Pour lui, la poésie, c’est un héritage maternel. Depuis tout petit, il s’est efforcé de retenir des poèmes entiers par cœur : « Un poème n’existe que quand il est récité. Il devient alors une prière, un contact avec quelque chose qui n’est pas la vie matérielle », explique-t-il. Mêlant étroitement poésie et mysticisme, Stéphane Hessel nous confie sa vision toute personnelle de Dieu : « Le mot Dieu est extraordinaire, lourd de sens et aussi lourd de mystère, ce qui signifie qu’il faut l’explorer. Il ne nous appartient pas, mais nous lui appartenons. Nous devons entretenir une relation de respect, d’esprit et de poésie avec Dieu. De poésie, parce que la poésie est ce qu’il y a de plus proche du divin et ce qui permet d’accéder à quelque chose d’autre que la vie matérielle. » Et de conclure sur quelques vers de Baudelaire… qui le font encore apparaitre sous un autre jour : Stéphane Hessel se révèle également être un véritable « show man » !
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S.F.