
« La première chose que l’on remarque en Asie, c’est l’omniprésence de l’instrument digital ». On compte plus de 500 millions d’internautes dont 200 millions de lecteurs de livres numériques. La prospérité du numérique « n’est pas un hasard » estime Liping Zhang. En Chine, un internaute moyen sur trois est actif sur trois réseaux sociaux. À titre de comparaison, la croissance de l’édition numérique en Chine atteint les 60% alors que le marché du numérique en France ne dépasse pas les 2%. De plus, les réseaux sociaux bouleversent les rapports entre les auteurs et les lecteurs. Prenons par exemple le site Douban, situé à la 20e place des sites les plus populaires de Chine. Douban, ce réseau social composé de lecteurs et d’auteurs apporte une nouvelle manière d’appréhender la lecture en la transformant en une plateforme d’échanges et de partages. Cette communauté de lecteurs créée autour des livres numériques génère plus de 600 000 commentaires par mois. Les internautes lisent et commentent les ouvrages, débattent aussi bien entre eux qu'avec l’auteur. Dai Qin (réseau social Douban) souligne ainsi qu’ « Internet réduit la distance entre les uns et les autres, mais surtout entre l’auteur et le lecteur ». L’auteure chinoise, Cui Manli, a connu une grande audience, en publiant directement son roman sur internet, avec plus de 50 millions de livres lus : « j’ai été surprise par mon succès, je ne savais pas que cela allait plaire aux internautes ».
Autre visage, même regard avec le site Cloudary Corporation, cette bibliothèque numérique encourage l’autopublication avec plus de 1 600 000 auteurs. «Cloudary a fourni une voix et une plateforme pour les auteurs chinois leur permettant d’écrire et de discuter avec le lecteur tout en diminuant les contraintes de la publication ».
Enfin, l’intérêt de ce genre d’initiatives en Chine s’explique par le contrôle du Gouvernement sur les publications et les nombreuses contraintes qu’il impose dans ce domaine. « Nous avons plus de liberté que l'édition classique. Par exemple, en Chine, il est impossible de publier, de manière traditionnelle, des livres dont le sujet est l'homosexualité", affirme Mme Zhang. Avec un peu moins de 580 maisons d’édition en Chine, le numérique permet une véritable liberté de publication et d’expression.
Rappelons que pour le distributeur, le principal enjeu c’est le « bouche à oreille ». Internet et les réseaux sociaux permettent de le synthétiser et offrent un renouveau dans l’air du temps grâce à la communication entre l’auteur et ses lecteurs. En revanche, l’édition numérique est encore perçue comme le prolongement de l’édition traditionnelle en Chine : « il s’agit de deux marchés, de deux publics différents ; dans les villages les gens achètent encore dans les petites librairies et dans les kiosques ».
Ainsi, et pour conclure cette rencontre, rappelons que, si le numérique et les réseaux sociaux s’inscrivent clairement dans le paysage chinois, la complémentarité avec l’édition traditionnelle reste toujours, à leurs yeux, essentielle. Il est clair que les nouvelles technologies bouleversent l’univers du livre en Chine et l’apparition de réseaux sociaux autour de livres mis en ligne transforme les rapports entre lecteurs et auteurs, mais aussi entre auteurs et éditeurs. Retenons surtout que le numérique est une voie d’émancipation du pouvoir encore omniprésent dans le domaine de la littérature. Une nouvelle forme de liberté d’expression permettant un renouvellement dans l’univers du livre en Chine. Certaines interrogations restent encore présentes : les critiques des internautes ne peuvent-elles pas briser la créativité de l’auteur ? Le numérique n’est-il qu’un moyen d’éviter la censure ou permet-il une véritable avancée dans la manière d’appréhender la lecture ? Peut-on parler d’une démocratisation du savoir ?
Et vous, comment percevez-vous cette avancée numérique en Chine ? Quelles sont vos interrogations, vos critiques, vos réactions face à ces innovations dans le domaine du livre?
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P.H.