
Vérone Mankou, PDG de VMK Concepteur de la première tablette tactile africaine et du premier smartphone africainLe numérique est-il une opportunité pour l’éducation africaine ? Se développe-t-il de la même manière sur tout le continent africain ? Quels sont les principaux obstacles rencontrés ? Le constat de Jean-Michel Ollé est clair : « l’éducation africaine est encore sous-développée faute de moyens. Seul un élève sur trois possède un manuel scolaire, il n’y a pas ou peu de librairies en Afrique subsaharienne et il n’existe aucune constance dans la distribution des livres. »
Le numérique est-il une opportunité dans ce contexte ?
D’après Jean-Michel Ollé, il ne s’agit pas encore d’une réalité. Le smartphone sera sans doute un outil indispensable, mais cela reste à un « stade de bricolage ». En effet, le développement du contenu numérique a encore un coût important : « une bonne méthode coûte entre trois cents et quatre-cent-mille euros de développement ». Le problème soulevé est qu’il n’y a pas encore de marché. Il est donc difficile de développer un contenu numérique. Trois acteurs importants forment encore une barrière au marché du numérique : l’État, les éditeurs et le public. L’État est encore omniprésent et jacobin dans les pays d’Afrique Subsaharienne empêchant toutes initiatives privées. Les éditeurs ont du mal à se lancer car il n’y a pas de public réceptif au marché du livre. Enfin, on observe un manque d’initiatives citoyennes à cause de la situation économique et du manque d’autonomie de la jeunesse africaine francophone.
Autre regard en Afrique du Sud
Le positionnement de ce pays est différent, nous explique Bontle Senne, responsable de la plateforme de littérature pour enfants Puku. Beaucoup de projets se développent dans le numérique. Avec plus de 9 millions d’utilisateurs, en majorité des enfants et des adolescents, la distribution de contenu se fait principalement via les réseaux sociaux. Le problème en Afrique du Sud n’est pas de développer le numérique, mais plutôt de traduire les contenus dans les onze langues officielles du pays. "Au vu de ces situations différentes, il existe de grandes disparités au niveau du numérique au sein du continent africain". S’ajoute à cela la situation du Niger : partant du constat que 82% de la population est illettrée, les enjeux de l’éducation sont considérables. Il n’existe pas ou peu de librairies, d’éditeurs, et de distributeurs. Le numérique y est mis en berne. En effet, comment concevoir un marché du numérique alors que la technique et le coût du débit internet sont un obstacle ? La limite de l’éducation par le numérique se retrouve essentiellement dans l’accompagnement. D’après Nathalie Lelong de l'Institut français du Niger, il ne faut pas s’arrêter au numérique, mais bien « poursuivre un accompagnement pédagogique sur place avec des professeurs. »
De l’obstacle financier…
Peu d’Africains possèdent une carte bleue. Il faut donc trouver une alternative si l’on veut développer le marché du numérique. L’ Afrique du Sud a fait de grandes avancées en développant par exemple le système MPSA qui permet les transactions financières via le téléphone portable et ne demande pas de carte de banque.
… aux enjeux politiques
La réponse est claire : « l’ État n’est pas le soutien qu’il devrait être ». Il est difficile de recevoir une aide de l’État surtout quand on s’exprime en tant que partenaire privé. Ces initiatives privées sont également bloquées par les instituts de coopération de l’État.
Certes, la timide avancée du numérique en Afrique inquiète, questionne. La transition au numérique n’est-elle pas trop rapide ? « Ne pourrait-elle pas tuer le livre avant qu’il ne soit né ? » s’interroge un libraire africain dans la salle. Avant de passer au numérique ne faut-il pas professionnaliser d’abord le milieu de l’édition ? D’autres analysent cela d’un œil différent et affirment que le numérique est la solution, comme Jean-Michel Ollé des éditions Hachette : « Le numérique est fait pour l’Afrique, il ne nécessite ni de routes en bon état, ne succombe pas à l’humidité et à la sécheresse ». Il faut encourager la créativité dans ce domaine comme l'a déjà fait Vérone Mankou, directeur général de VMK et concepteur du premier smartphone africain et de la première tablette tactile africaine.
Et vous ? Croyez-vous à l’avancée du numérique dans ce continent ? Pensez-vous qu’il puisse être le moyen d’une plus grande démocratisation du savoir et de l’éducation ? Est-il approprié à ce contexte encore peu développé économiquement ? Faut-il investir dans ces nouvelles innovations ?
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P.H.